L'intégrale des Causses du Festival des templiers et ses 62 km 2700 D+ était l'objectif final de l'année pour Caro de la team 2024-2025... Elle ..euh ... On l'a fait!
"Mon objectif de l'année 2024
Mon objectif après 1 an avec Conviviatrail
On l'a fait
11h31 de course à travers le Causse Noir, 62 kilomètres en version ch'ti sous le crachin, la pluie et le froid ! Une vraie 6-2 !
Et j'oubliais… 2700 D+ et D- !
On l'a fait
En solo, portée par tous mes "moi" et surtout par toute la force transmise et accumulée ! Cette force qui vient de toi ! Bon, OK, tu voulais voir du paysage… eh bien dans le brouillard, on n'a rien vu !
Tu as vu mes pieds et encore mes pieds ! Sur lesquels on a veillé à chaque pas !
Une pression mentale pour tenir cette cheville accidentée le 7 août sur les chemins de la Réunion ! Le 17 septembre, pour mes 36 ans , on enlevait l'attelle et 4 semaines plus tard, je m'alignais au départ !
Des heures de piscine (je connais chaque carrelage blanc et bleu du fond de l'eau ), des heures de vélo, de marche, de renforcement… Plus de 15h par semaine à bosser Germaine ! Sous l'œil attentif et professionnel de Raphaël, alias OMG, by Conviviatrail !
"J'ai craqué, pleuré, douté, mais jamais lâché ! Il y croyait plus que moi !"
On l'a fait !
Soutenue par les copains mais en toute discrétion… les "fais pas ci, fais pas ça" n'avaient pas de place dans mon programme !
Ceux qui ont cru en ce départ le savent ! Pour les autres, je vous comprends… je n'y croyais pas moi-même ! Mais je n'ai rien lâché !
On l'a fait !
Vous pensez qu'il fait beau à Millau ? Oui, vous avez raison, mais pas le jour de ma course !
Jeudi après-midi, retrait du dossard sous une ambiance pluvieuse … beaucoup de monde, une logistique voiture, parking à gérer pour cette navette du vendredi matin à 5h ! Super organisation, sans compter les caprices du Tarn qui déborde !
Nous voilà dans les inondations de parking ! Merci à mon amie Laurence de Millau pour tous les précieux conseils d'organisation !
J'ai le dossard en main ! Je vais le prendre, ce départ… pas de doute…
Mais jeudi soir, les orages éclatent ! Millau s'illumine à chaque éclair et le tonnerre gronde ! Je flippe ! La course va-t-elle avoir lieu ?
Un communiqué tombe pour l'Endurance Trail avec un changement de passage en montagne, jugé trop dangereux ! La course de Raph ! La pression monte, mais toujours pas de doute !
Je me concentre sur la logistique ! Sac prêt, j'ajoute un tee-shirt et assez de ravitaillement pour tenir la course ! Mon point faible ! Je pars trop chargée ! On s'en reparlera !!
Dodo à 21h et j'arrive à dormir ! Le réveil sonne mais je suis déjà réveillée, il est 3h30 !
Je m'habille sereinement, la pluie s'est calmée, je souhaite bonne course à Raph et là, je déroule !
Petit dej, je fais le choix d'ajouter une sous-couche que je ne vais pas regretter !
4h25, je suis dans la voiture
4h50, je suis dans le bus ! Ça, c'est magique ! Pour moi, j'ai fait le plus dur lol
Ambiance calme, les traileurs regardent par la fenêtre du bus les lampes de l'Endurance Trail qui clignotent sur les chemins vers Peyreleau.
Nous voilà arrivés, il est 5h15… Le départ est à 6h50, je vous laisse imaginer cette attente… dans le noir, sur le bas-côté de la route, je trouve une marche, je m'y assois, tentant de ne pas avoir trop froid pour économiser mes forces !
J'ai peur que ça soit long, très long, mais mon cerveau est déjà déconnecté !! Je ne pense à rien… le temps passe… voilà 6h30.
Je dois prendre la décision de ce que je mets ou pas pour le départ ! J'ai la veste de pluie mais je doute, j'ai peur de l'étuve ! Alors ça sera deux tee-shirts, dont celui du Ti Bénare (que personne ne verra ), manchettes, coupe-vent et gants ! Il s'avérera que la première partie de course se fera sans crachin, c'est donc un bon choix… contrairement à la suite
Je suis dans la première vague ! Ils pensent que je cours vite
Raph a été clair… accepte de te faire remonter… sa voix résonnera plusieurs fois dans ma tête !
J'échauffe ma petite cheville ! Je me faufile dans le sas de départ… quelle ambiance… il fait noir, toutes les lampes, le stress monte, les consignes de départ… ma tête est claire, je dois finir et sur mes deux pieds !
Germaine est gonflée depuis deux jours, je la sens tendue mais je suis focus ! On y est… on va finir…
On l'a fait
6h50
Le départ est donné et là, je suis prise par une vague submersible d'émotions… je passe la ligne de départ, j'ai beaucoup de mal à respirer, la gorge se noue, les larmes montent mais le terrain aussi
Ces émotions ne vont pas me quitter et les premiers kilomètres grimpent gentiment dans une atmosphère particulière… il fait noir… je me focalise sur chaque centimètre devant moi pour assurer ma cheville… La rivière déchaînée retentit en moi… ça me fait peur… je n'ose pas éclairer le contrebas ! Je regarde devant moi, j'avance, le cardio est haut, j'ai du mal à respirer… je le sais, je dois me calmer…
On finit cette boucle à Peyreleau pour attaquer la première belle montée de 450 D+…
La cheville flanche 4 ou 5 fois… dans ma tête je crie "Caro !!" Je sais que je dois baisser la pression, je dois lui faire confiance… enfin, Germaine, réveille-toi ! Bordel !
Je grimpe et j'applique chaque conseil pour l'utilisation des bâtons ! Je repense au stage d'Abondance, mon esprit s'évade, je grimpe et suis assez contente d'arriver là-haut en ayant seulement croisé quelques coureurs : "pardon, je passe à gauche…" La suite sera différente…
Mes calculs étaient bons, je suis là-haut et le jour se lève… Une nouvelle course commence !
J'ai dit le jour se lève, pas le soleil
Et là, tout défile… Le temps… Les kilomètres… Je me sens bien… Mais je ne vois que les pieds ! Bon, en même temps, dans le brouillard, ça ne change pas grand-chose
On l'a fait
Saint-André de Vézines, 19 km, 860 D+
37 minutes d'avance sur mon plan ! Me voilà au premier ravito, heureuse et concentrée… Il commence à pleuvoir de plus en plus, et le froid s’installe. Je recharge en eau, attrape quelques bretzels, mais je passe sur le Roquefort !
C’est un joli ravito pour les bons mangeurs. Je ne m'attarde pas,
"j’entends autour de moi que tout le monde a froid… Je file, me disant que courir me réchauffera, et je remets mes gants. Buff sur le visage, et c’est reparti !"
Du 19e au 30e km
J’avance bien… enfin je crois ! De jolis lacets dans la montagne, la première descente se passe plutôt bien malgré la prudence, car le terrain est glissant, et pas qu’un peu !
Les « pardon, je passe à gauche » se multiplient… Je dois les accepter, ça fait partie du jeu, mais p****n, c’est dur ! Les singles s’enchaînent.
J’entends les coureurs arriver derrière moi, alors j’anticipe. Pas d’écouteurs, je reste attentive et les laisse passer. Certains ne me voient même pas sur le côté ou sont muets… ou pas Français !
J’aurais pu tenter le « pardon, je passe à droite », mais pas folle la guêpe : à droite, c’est le vide ! Tu pousses le bouchon un peu trop loin, Maurice !
On enchaîne avec une montée puis une nouvelle descente. Malheureusement, je ne peux pas vraiment vous décrire le paysage, je ne vois que mes pieds, et le temps est couvert. La bruine s’intensifie, mais je me sens bien !
Tout défile ensuite : on descend de la montagne vers une rivière, passe un pont, et hop, un ravito en eau ! Je prends juste une gourde, une compote, et je repars.
Une petite photo à Matteo, quelques messages des copains qui font chaud au cœur, et c’est reparti.
Je sais que j’ai passé les portions les plus longues en termes de kilomètres, mais pas en D+ !
Il est 11h47, j’ai 42 minutes d’avance : 32 km, 1130 D+ en presque 5 heures de course !
On l’a fait
Du 32e au 39e km… le néant
Je n’ai que des flashs. J’avance, mais Germaine râle et tire la sonnette d’alarme. Si elle croit que je vais l’écouter ! Je ralentis un peu, mais surtout, mon cardio s’est calmé.
Je pense à manger : compote, gommes… mais c’est dur, alors je compense avec de la malto.
Une grosse montée arrive, et quelqu’un lance : « Tu peux lui demander qu’on passe, on est dans un faux rythme. » La Caro d’avant aurait lancé un regard noir ou une réflexion bien sentie, mais la Carotrail a simplement répondu qu’on faisait tous 62 km avec nos moyens. J’ai laissé passer les 3 mousquetaires… et bien sûr, je les ai suivis ! Un peu comme ces gens sur la route qui te doublent dangereusement pour se retrouver juste devant toi au feu rouge.
Le 3e ravito approche. Mentalement, ça va, je suis toujours focus.
Je me dis : « Bientôt le 39e km, le marathon est proche ! » Après le marathon, je dépasserai ma plus longue distance : celle des Ardennes Méga Trail, 50 km. Et après ça, il ne restera que 12 km ! Allez ma poule, en avant !
39e km...
On l’a fait
La Salvage, 39 km et 1600 D+ à 13h19, alors que j’avais prévu 14h30 !
Surprise ! Le sourire de Barbara m’attend à l’entrée du ravito ! Quel bonheur ! Elle me l’avait dit, mais on ne savait pas où. Elle est là, et ça fait tellement plaisir.
Je sais que c’est mon premier vrai ravito : je parle, je mange, je me change. Je suis trempée ! Barbara insiste pour que je change de maillot et de buff. Elle me propose de changer mes chaussettes, mais non ! Pas question de toucher aux pieds. Christophe nous rejoint et je lui dis que je suis nulle en descente. Ils me demandent comment va ma cheville : je réponds qu’on en parlera à l’arrivée !
"Leurs paroles me rassurent, ils sont tous les deux sereins, et je sais que je peux compter sur leur expérience de trailers aguerris."
Merci, merci, merci. Je repars, chargée de force et avec ce sourire !
On l’a fait
Christophe me prévient que la descente sera boueuse. Je suis prudente. Les sous-bois sont magiques, remplis de mousse verte, comme dans un conte de fées… sans les fées !
Un rayon de soleil aurait rendu la scène encore plus belle, mais il n’y en a pas.
La portion me semble longue jusqu’au Mas de Bru. Je sens que j’avance moins bien.
Je sais que j’attaque l’avant-dernière montée. Elle doit passer. La Pouncho d’Agast, la montagne du finish, se rapproche de plus en plus. C’est celle que je redoute !
Alors, Caro, concentre-toi, il faut arriver en forme devant ce monstre.
Le ravito d’eau arrive : 47 km et 2000 D+, il est 15h13.
8h23 de course… Je suis plus lente qu’à l’AMT, mais je sais pourquoi.
Germaine souffre, et le Doliprane a déjà plusieurs fois toqué à la porte de mon esprit. Mais non ! Germaine est fragile, et il n’est pas question de masquer la douleur. Je dois rester consciente, car l’Intégrale des Causses n’est pas une fin, mais le début d’une nouvelle saison !
Je rêve déjà de la prochaine course… étrange, d’habitude, ça m’arrive après la course, avec un apéro !
Je rêve d’une nuit dehors, d’une course sur plusieurs jours…
On l’a fait
En direction de Massebiau, que de la descente ! 400 D-… ça ne va pas être facile ! Eh bien, ça ne l'a pas été ! Mais on l'a fait ! Je savais que si je passais cette descente, je serais face à la Pouncho. Alors, je serre les dents !
Le rythme est plus lent et j'ai froid, mais je reste concentrée !
J'ai faim, mais c'est difficile de manger. Rien ne me fait envie... Je me force avec une compote et des pâtes de fruits, mais c'est compliqué car je suis tout le temps focus sur ma cheville, et je ne peux pas tout faire en même temps ! lol
Il commence à pleuvoir, plus seulement une petite bruine... C'en est fini du crachin du nord !
Je me dis : "Caro, tu ne voulais pas affronter la Pouncho dans le noir, tu vas réussir et ce sera en plein jour !"
La veille, la météo prévoyait de grosses pluies vers 15h… Il est 16h04.
Je passe Massebiau, je fais le plein d'eau mais ne m'arrête pas ! Je dépasse les autres coureurs, échange quelques mots avec un vétéran qui me dit : "450 D+ en face de vous !" Je lui réponds : "Cinq montées de terrils !" Il semble ne pas comprendre… Je m'accroche à sa foulée.
On l'a fait
52 km. Il est 16h04 au lieu de 17h30. Je tiens mon avance, mais le monstre est là !
Je pousse et je pousse fort, et paf ! Le chien ! Bim ! Le bâton ! Eh bien voilà, Caro, tu affronteras la Pouncho sans bâton ! La plus grosse montée après 52 km…
450 D+ sur 3 km ! Je vais y arriver… Je devrais être contente, il fait encore jour, mais c'était sans compter sur la drache du nord… La pluie tombe sévèrement. La boue dégouline sur les pierres ! J'ai froid, mais je continue, je suis trempée, mais je ne m'arrête pas ! Cela aurait pu être une grosse erreur si j'avais eu encore des dizaines de kilomètres devant moi, mais là, il en reste moins de 10, alors rien à faire…
Un gars devant moi est tétanisé, livide, malade… Je lui parle un peu et en profite pour mettre mon k-way au-dessus de mon sac avant de filer jusqu'à la Cade, dernier ravito !
Je lui dis de manger, il me répond : "Non, pas possible, je ne vais pas le garder." Et là, hop, il vomit… Mon cœur se soulève, et ma tête me dit : "OK Caro, tu dois t’occuper de toi-même, alors file avant d'être coincée avec lui !" Désolée, je l'ai pensé ! Chacun sa merde
Je l'ai quand même encouragé, il s'est accroché à ma petite foulée, et on a grimpé jusqu'en haut !
C'était dur… enfin, je ne sais plus… Là-haut, je suis trempée, mais j'ai le sourire… On ne voit rien, on est dans le brouillard ! La dernière montée est faite !
Et je l'avais dit ! Je serai finisher ! Rien ne peut m'arrêter… Même si je dois descendre sur les fesses, je le ferai !
On l'a fait
56 km, 2550 D+. Il est 17h04 au lieu de 18h30.
Je suis là-haut ! Au plus près de toi !
Je sais que je vais descendre seule, mais remplie de fierté !
Germaine, Maurice, Alfred et tous mes "moi",
"c'est le moment d'y aller ! De se la faire, cette Pouncho d'Agast ! Et tu feras partie de l'histoire des Templiers, ma petite Caro..."
Avant ça, je traverse ce superbe monument chargé d'histoire, la Cade.
J'offre mon vestige de bâton cassé aux bénévoles, qui ne comprennent pas qu'il est brisé, et me disent gentiment : "Vous allez en avoir besoin pour la descente !"
Je ne prends aucun ravito, je suis encore chargée à bloc ! Mais je prends 5 minutes pour changer mes hauts détrempés.
J'ai ce fameux t-shirt en plus, je l'enfile et mets le k-way correctement sous mon sac… Je tremble.
J'enfile les gants, et c'est parti !
On l'a fait
La sortie de la Cade permet de dérouler un peu, je m'accroche et j'avance ! Je suis même surprise, je déroule bien ! Mais les paroles d'en haut résonnent encore : "C'est la dernière… la pire !"
Mais je m'en fous… Vous savez quoi ? Je suis au-delà de mes espérances ! J'ai déjà 60 km au compteur, 2700 D+, et une belle avance sur le plan ! Alors, mes frustrations, je les range dans ma poche !
Pour finir ce contrat, il faut que je termine sur mes deux pieds et que j'envoie à Raph cette médaille !
Il sait que je la redoute...
Je ne lui écrirai pas pendant la course, je sais que Barbara lui a donné des nouvelles ! Il fait 100 km, il m'a dit qu'il avait confiance en moi, alors respect ! C'est sa course aussi ! Chacun sa merde, en quelque sorte
Je vous épargne les détails de la descente, j'essaye moi-même de les oublier
Imaginez… une petite vieille avec un bâton… ou plutôt une canne… descendant du pied droit cette interminable trace boueuse et vertigineuse !
Bref… pas de photo, svp
Je sors de la forêt, et le soleil pointe le bout de son nez… Le finish est devant moi, sur un single plutôt roulant… Les jambes repartent… La gorge se serre !
J'y suis !!
Un dernier effort sur cette pâture, avec une petite montée et ces 4 marches ! Mon regard se lève, je suis entourée de barrières avec les banderoles "Les Templiers", l'arche est devant moi !
Bordel ! Je l'ai fait… je finis submergée, comme au départ ! Les larmes coulent !
Je ne sais plus quoi penser à ce moment-là ! Je prends ma tête entre mes mains…
C'est bien moi… et vraiment moi...
Il est 18h21 au lieu de 19h30 !
Il fait encore jour… J'ai vaincu la Pouncho d'Agast en ce jour du 18 octobre !
30 jours après mon attelle !
J'ai vaincu le chat noir… celui que j'avais croisé sur la canalisation des Orangers… Je l'abandonne dans les Causses !
Il aura voyagé !
Courez, marchez sur les chemins… Ceux qui vous mènent au plus profond de vous !
Bravo à tous, bravo à tous ces visages que j'ai croisés, bravo à tous ces bénévoles, bravo à tous les finishers !
C'est une épreuve de vie !
Mais c'est une épreuve que l'on choisit !
Merci, merci, merci !
On l'a fait! "
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