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A une minute de l'échappée belle: Raphaël nous raconte sa désillusion

  • Photo du rédacteur: Conviviatrail
    Conviviatrail
  • 2 sept.
  • 8 min de lecture

Les échecs font partis de la progression en trail surtout quand on s'attaque à des monuments comme l'Intégrale de l'Echappée belle et ses 152 km sur 11390 +. Mais certains ont un goût amer. Sur l'Echappée belle 2025, Raphaël nous raconte cette désillusion qui s'est jouée à une minute. Une petite minute.


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Pour les mordus d’aventure en altitude

La traversée intégrale du massif de Belledonne est un trail technique et engagé, alternant sentiers et haute-montagne qui vous permet de rallier l’Isère à la Savoie avec des panoramas imprenables.

Ce parcours alpin cumule les difficultés : sentiers escarpés, altitude (15 cols à plus de 2000 m), dénivelé, pourcentage de pente… mais la récompense est à la hauteur des efforts avec 30 lacs d’altitude, 4 crêtes panoramiques et une ambiance «  montagne » garantie. Un parcours pour les trailers avertis au pied montagnard !

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Récit


"Vendredi - 6h: Départ. Je pars en vague 3, la dernière. J’ai 54h pour finir cette course. Mon plan de course est de 53h30 (mon objectif « caché » est de 50h30). Le speaker parle de la difficulté du parcours et nous parle de la vague des « nuls », ceux qui ont le moins de chance d’arriver au bout… humour douteux. Il essaye de se rattraper ensuite, mais ce n’est pas terrible… Mes parents et ma petite sœur sont là, une vraie équipe d’assistance, je les ai briefés et ils sont terriblement efficaces. Il y a quelques nouveautés à gérer pour eux cette année, notamment sur le plan de l’alimentation. Ils vont gérer, j’en suis certain. J’ai tellement de chance de les avoir.10 ravitos, 6 accessibles en voiture, 4 en rando. Ma sœur va venir à un de ceux accessibles qu’à pied. C’est vraiment ouf de les avoir avec moi. Je suis focus, stressé, déterminé. Les consignes sont claires : je gère jusque Super Collet (base de vie 2) et après j’envoie ce qu’il reste…

«À moins d’une blessure, la question ne sera plus « serai-je finisher », ce sera « en combien de temps ? »

Je pars sur un rythme très tranquille, peut-être trop car je me retrouve vite dernier. Je ne veux pas revivre une course en solitaire et je décide d’accélérer un peu pour rejoindre les derniers. 60 g de glu/h sur cette portion, j’avais prévu 80 mais ça reste acceptable, surtout avec l’estomac noué sur la première heure trente.Vendredi – 9h43 – R1 Arselle.590e sur 593. J’ai 17 minutes d’avance sur mon plan, j’ai un peu plus poussé pour ne pas être dernier et garder du monde en visuel. Ravito « express » en 11 minutes avec mon père, ma mère et ma sœur : ça dépote.

Sur la fin de cette portion j’ai la chance de voir deux gros bouquetins mâles. Je prends le temps de faire quelques vidéos et photos, c’est aussi pour ça que je suis là.

Nous n’avons pas de chance sur la météo : brouillard et vue bouchée toute la journée… Pas de paysage pour les coureurs mais une température idéale.


Vendredi – 12h50 – R2 La Praz.

BH à 14h21 minutes de retard sur la portion. Je suis revenu sur les temps de passage du plan de course. 10 minutes au ravito, cette fois en solo. C’est moins confort.Des portions hyper techniques : je le savais, mais pas à ce point.


"le plan est foutu


"Le plan est foutu, je ne peux pas avancer comme je veux. Cependant les paysages sont lunaires, comme j’aime"
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J’ai mal au crâne, je pense à une insolation, mais il n’y a pas de soleil et je m’hydrate bien. Après 45 minutes je prends un doliprane, et ça finit par passer.


 

Vendredi – 16h55 – R3 Jean Collet. BH 18h30 570e,

55 minutes de retard. Je me suis rarement autant planté sur un plan de course mais j’ai de la marge sur les barrières horaires (BH), donc ça devrait passer. 15 minutes de ravito en solo puis je repars. À R4 je vais voir ma sœur, ça va être cool.

 

Vendredi – 20h16 – R4 Habert d’Aiguebelle. BH 22h 550e,

36 minutes de retard supplémentaires. Ma sœur est là, elle m’attend depuis longtemps. Presque 1h30 de retard au total… une vraie cata ce plan de course. J’ai presque tout mangé et je me sens bien. 70 g de glu/h depuis R1. J’ai juste un peu froid mais ma sœur a prévu : doudoune, soupe chaude, Michel & Augustin, saucisson et Saint-Yorre… Ça repart au bout de 24 min.

En repartant du R4 je mange trop vite et trop de glucides sur trop peu de temps : j’ai envie de vomir pendant plus d’1h avant de me décider à prendre un médoc. Puis il faut encore environ 30 minutes avant que ça passe… Je n’ai presque rien avalé ni bu sur la portion, 30 g de glucides/h. Ma sœur vient me chercher sur la fin et me booste pour que je rentre dans les temps. Je suis limite limite avec la BH. Je dois être sorti de la BV1 (R5, Pleynet) à 4h.

 


Samedi – 3h53 – R5 Le Pleynet (base de vie 1). BH 4h 486e.

Je passe tout juste. Pause réduite : 5 minutes pour me changer intégralement (je garde seulement les chaussures), 12 minutes debout en dehors de la BV avec une assiette de pâtes. J’attends que d’autres coureurs repartent pour finir la nuit accompagné. Heureusement que mes parents et ma sœur gèrent comme une vraie équipe d’assistance pro. Ils arrivent même à remotiver un duo qui repart avec les serre-files juste derrière moi…

Je pars finalement avec Claire, une coureuse qui a plus ou moins le même rythme. On papote, elle mène et me prévient qu’elle gardera son rythme que je sois là ou non… C’est normal, on est pile sur les BH, il ne faut pas traîner. Les coureurs du 96 km nous rejoignent, on double quelques concurrents de l’intégrale. Ça fait toujours du bien. Un groupe « étau » se forme avec les serre-files. Je propose un relais à Claire, mais je la décroche à deux reprises avant de décider de filer seul…

Au prochain ravito, il faudra choisir : intégrale par le col du Moretan ou shunt (-4h de course d’après un bénévole). J’appelle Faustine, ma compagne, elle saura me conseiller. Verdict : si j’arrive au ravito avec 1h d’avance sur la BH, je tente le Moretan. Je n’ai pas encore dormi, ça va être tendu, mais je veux finir l’intégrale…


 

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Samedi – 9h07 – R6 Gleysin. BH 10h 422e.

Portion prévue en 5h30, je mets moins de 5h avec 53 g de glucides/h (toujours sans compter ce qui a été mangé au ravito). Bonne forme…Mon assistance a failli rater le rendez-vous (ravito accessible uniquement en navette). Je prends 30 minutes, toilettes, bilan. Prochaine portion annoncée 4h15, mais c’est la plus technique. Je préviens ma sœur que ce sera plutôt 5h. Puis portion suivante plus roulante, 3h10. Calcul : si je sors à 9h30, +5h → Périoules vers 14h30, +15 min → 14h45, +3h10 → Super Collet vers 17h55. La BH est à 18h.Ça peut passer si je m’arrache sur la dernière portion mais je n’ai pas le droit à l’erreur. Ma mère penche pour le shunt, mon père ne comprend pas trop, ma sœur insiste : « tu as parlé du Moretan tout le temps, si tu ne le fais pas tu vas regretter ». Je suis d’accord. Je repars à 9h38. ZUT, j’ai déjà 8 min de retard.C’est une portion que je connais, lundi j’ai bivouaqué au Gleysin et j’ai fait les 1000 premiers mètres de D+ (sur 1400). Bizarrement ça me semble beaucoup plus dur aujourd’hui. Je passe au refuge de Oule où je dépose 20 € à la patronne. Je m’étais arrêté manger lundi à la descente et elle ne trouvait plus son RIB pour que je la paye. Les diots maison avec gratin de crozets me manquent mais je n’ai pas le temps de poser. À peine quelques minutes et je repars.

La montée jusqu’au col est comme je m’y attendais : raide, interminable, puis descente pire encore : raide, glissante, chaude, encore interminable… Très très technique. Une femme glisse, tombe et hurle. Je mets quelques minutes à la rejoindre. Rien de cassé finalement. Elle met quand même du temps à se relever et je reste un peu avec elle pour qu’elle se calme. Elle peste mais finit par repartir.

Au niveau alimentaire, j’ai dévoré dans la montée au Moretan et je mange moins ensuite. 70 g de glucides/h de moyenne de R6 à R8.


 

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Samedi – 14h58 – R7 Périoule.

J’arrive enfin à Périoule. Ravito plié, bénévoles fatigués, plus grand-chose à manger. Je remplis mes flasques, ajoute de la malto, grignote un peu de fromage et repars. 4 minutes d’arrêt. Il est 15h02. BH dans 2h58.10 km / 675 D+ / 840 D-. Je joue au yo-yo mental : parfois j’y crois, parfois je pense que c’est foutu. Hallucinations légères dues au manque de sommeil. Je sais que je ne passerai pas une deuxième nuit blanche… Je vais devoir dormir, en attendant, la caféine aide à fond.

C’est chaud, le temps passe, plus que quelques minutes. Ma famille m’envoie des messages pour me pousser. Ma sœur vient à ma rencontre, me crie dessus, m’encourage et me stimule. Je pleure 2 fois, je couine à chaque descente, mes pieds brûlent, je souffle mal mais j’avance aussi vite que possible.Deux athlètes s’y mettent aussi : elle devant pour donner le rythme, lui derrière pour me relancer. Ils prennent le relais quand ma sœur lâche le rythme. Elle est impressionnante !Puis enfin, sortie de la forêt, descente, je vois le ravito. Mon père me hurle d’accélérer, d’arrêter de regarder ma montre… Derniers 400 m « à bloc », 5’30/km, je ne peux pas faire mieux.

J’arrive sous les applaudissements et les cris des bénévoles et coureurs ayant abandonné. Je demande par où sortir, je continue sans m’arrêter, arche de sortie, et je me stoppe. Ou plutôt, je me jette au sol…Les bénévoles m’entourent et me félicitent.

Je reçois des tapes sur l’épaule… Ma famille est là. Tout est brouillon et fuse. Je demande l’heure et si je peux repartir… Oui c’est bon, les prochains serre-files ne sont pas encore partis, tu peux repartir. Je vais être finisher, normalement j’ai le temps de dormir un petit coup sur cette portion et les prochaines BH sont beaucoup plus larges…

Mais j’entends : « règlement : 18h01, c’est après 18h00, il ne repart pas ». Coup de massue.

Mes parents et ma sœur essaient de négocier, en vain. Je regarde le responsable droit dans les yeux et lui dis que s’il me laisse repartir je serai finisher, que je me sens bien et que j’ai eu un coup de moins bien mais que là c’est ok. Il ne veut rien entendre. La PC course confirme. Fin de l’aventure.



36h01 de course. Une minute de trop. Une minute que j’aurais pu récupérer mille fois. Des regrets, des heures d’entraînement pour ça… J’ai manqué de lucidité, n’y ai pas assez cru, j’ai joué avec le shunt, j’ai perdu. Encore un échec.



Avec le recul, je paye un départ trop prudent mais surtout une sous-estimation des parties techniques du parcours. J’aurais dû réagir au R3 en acceptant de pousser un peu plus dans certaines portions moins techniques. La prépa a été bonne, ça aurait dû passer, je ne peux m’en prendre qu’à moi. Plein de choses sont validées mais il va falloir creuser certains points autour de la prépa mentale et de l’acceptation d’être moins en gestion."


 
 
 

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