Pour Clément Level, coaché par Conviviatrail depuis deux ans, ce Tour des Cirques du Grand Raid des Pyrénées 2024 - objectif de l'année - représente une étape indispensable avant d'envisager dans un avenir proche la diagonale des fous. Il nous raconte comment il a surmonté ces 120km pour la première fois de sa vie.
Après une semaine à faire du jus, l'heure du départ a sonné. J'ai fait une bonne nuit, et je suis prêt à en découdre avec les Pyrénées, même si je sais que ce ne sera pas facile. Après avoir terminé le Mad'Trail en juillet (mon premier trail de montagne), où j’ai dû me battre avec les barrières horaires, je me sens plus confiant.
Les premières barrières horaires (BH) ici sont serrées. D’après les analyses avec mon coach, ce ne sera qu'à partir du 70e km que les BH deviendront plus larges.
Le départ : 7h
La première BH est à 8h45 pour 6,6 km et 660 D+. Il ne faut pas traîner. Après quelques discours sur la ligne de départ, le speaker nous demande de serrer la main de nos voisins et de nous encourager. J’apprécie ce moment, on est tous dans le même bateau. Avec Oliv, on s’encourage mutuellement.
"Une pensée pour ma grand-mère, ma femme, mes parents, et bien sûr Raph ! Je veux aller au bout et ne décevoir personne"
C’est parti 🎉
La première montée est bien raide sur une piste de ski. Ça part vite, mais pas de panique, le peloton va s’étirer après. Je reste avec Olivier. Nous montons à 750 m/h, un bon rythme. Oliv me lâche sur la fin de la montée et prend la descente en tête. Je descends prudemment. J’arrive à 8h15 en bas, au premier ravitaillement. Je suis parti léger en eau, mais Mau, ma femme, devait me mettre deux flasques devant et ma poche à eau derrière... sauf qu'elle a oublié la poche à eau dans la voiture ! Je dois partir pour 3h30 jusqu’au prochain ravito. Raph réagit vite et me dit que ce n’est pas grave, que je partirai avec 4 flasques et que ce sera très bien. Effectivement, le compte est bon, je repars à 8h25.
J’ai retrouvé Oliv au ravito, départ pour 16,5 km et 776 D+, mais surtout 1600 D-. Nous discutons pas mal dans la montée, les jambes sont bonnes. J’ai une petite gêne derrière le genou, mais rien d’inquiétant. Dans une petite descente, je trébuche sur une pierre. Douleur à l’orteil. Aïe ! Elle mettra une heure à passer…
Nous continuons à un bon rythme, le peloton forme un joli serpentin. Le rythme ralentit à environ 450 m/h. En haut, je mange une petite compote avant de continuer. Tout le monde est « cul à cul » dans la descente, et je sens qu’Oliv s’impatiente. Je lui dis de s’économiser, ce qu'il ne dépense pas là, il l’aura pour la fin. Une fois le sentier plus large, il part devant. Je ne le reverrai qu’à l’arrivée.
Descente plutôt roulante sur la deuxième partie. J’arrive à Gèdre à 11h50 pour une BH à 13h15.
"Tout va bien, sauf les ampoules. Raph me met un pansement, me donne ses chaussettes et me rappelle qu'une ampoule n’est pas une blessure, je peux courir dessus, même si ça fait mal"
Ce ne sera pas ça qui m’empêchera de finir.
Direction Gavarnie : 15,3 km et 900 D+.
C’est une partie raide et il commence à faire chaud, mais nous avons la chance d’être en sous-bois. Je discute avec un coureur qui monte sans bâtons (il prépare la Diagonale des Fous). Je me cale dans son rythme et ça passe. Une fois en haut, nous continuons ensemble jusqu’à Gavarnie. Mau m’attend sur le chemin. J’ai 2 heures d’avance sur la BH.
Là-bas, Raph m’attend avec une place à l’ombre et tout ce qu’il faut. Je ne mange pas beaucoup, mais je ne ressens aucune baisse de forme. J’ai arrêté la malto, elle ne passe pas depuis le départ... Je me tourne vers de l'eau citronnée, de la Saint-Yorre, quelques compotes et des gommes. Je n’ai pas très faim.
Direction les Espécières : 6,6 km et 900 D+.
La première partie est plutôt douce, mais la deuxième est un véritable mur. Mau me motive et nous avançons à travers les herbes, il n’y a pas de chemin. En haut, un gendarme nous indique de couper le parcours, car le col est fermé pour risque d’orage. Il nous manque 1 km et 100 D+, une broutille 🤣.
Descente raide vers la station des Espécières. Raph nous attend pour un petit ravito. Ensuite, une partie plus cool, avec des descentes et du plat.
Un peu de pluie à l'arrivée à Gèdre 2
Je retrouve Mau, Raph, ses parents et leur chien Réglisse. C’est cool de les voir. Je rencontre également les parents d’Olivier et son fils Martin, adorable avec son sac de trail. Je ne mange pas beaucoup, même la pizza de Patricia ne me tente pas. Les ampoules continuent de me faire souffrir, mais ça ira. Raph me dit que la nuit arrive et qu'il serait bon que je trouve un groupe pour avancer.
Je repars seul dans le noir, malgré les conseils de Raph. Finalement, je rejoins un groupe et nous avançons ensemble. Certains vont plus vite, mais je garde mon rythme. La musique dans mes oreilles change un peu l’ambiance. Après 3h30 d’efforts, j’arrive à Luz, la base de vie. Mau, Raph et Luc m’y attendent. Je décide de dormir 20 minutes. Le Partner est aménagé en espace nuit, c’est cool et plus calme que la BV. Mes pieds sont en mauvais état et je dois aller voir le podologue.
"Départ à 2h du matin pour la partie que j'appréhende le plus : le refuge de la Glère"
21 km et 1700 D+, toujours dans le noir. J’ai prévu 6 heures, mais je me dis que si j'en mets 7, ce sera déjà bien. Ça monte tout de suite et c’est bien raide. Je discute avec un coureur et nous ferons ensemble les trois quarts de la montée. À deux reprises, je décide de dormir : une fois 5 minutes, puis 10 minutes. Mes jambes vont bien, mais la fatigue générale commence à se faire sentir.
Au milieu de la côte, surprise : un ravitaillement non prévu ! On se pose un moment, mangeons un peu et repartons. Après un petit replat de quelques kilomètres, la montée reprend. Mon compagnon de route décide de redormir. Je continue seul, je veux avancer.
"Sur le chemin, je commence à halluciner : je vois des photographes, mais ce ne sont que des troncs d'arbres. Puis, des serpents, qui s'avèrent être de simples brins d'herbe"
Raph m'avait prévenu que cela pouvait arriver, mais c’est tout de même déroutant.
En débouchant de la forêt, la vraie galère commence. Toujours de nuit, je distingue des lampes au sommet de la montagne. Je ne sais pas combien de temps il me reste à monter, et le terrain est composé de pierriers à perte de vue. J’avance, mais mes bâtons se coincent parfois. J’ai oublié de les ranger correctement, comme j’avais appris lors de mon stage de trail.
J'arrive finalement en haut après 5h15 d’ascension, alors que j’avais prévu 4h. La descente vers Tournaboup est un soulagement. Je découvre le magnifique ravitaillement de La Glère, avec une vue imprenable sur les lacs. Ça valait vraiment le coup ! La descente continue sur une route carrossable, où je parviens à courir.
Prochaine étape : le ravito de Tournaboup. Ma montre indique que j’y suis presque... 1 km, 2 km, toujours rien. Puis je retrouve Mau qui vient à ma rencontre. Elle m’annonce qu'il reste 2 km avant d’arriver. C’est frustrant de ne pas avoir des indications précises. J’y arrive finalement, avec 3h30 d’avance sur la BH. À ce moment-là, je sais que je serai finisher, sauf gros pépin.
Tout le monde m’attend. Je me ravitaille et vais à la voiture de Raph, où il me sert un café accompagné de biscuits Petit Écolier (eh oui, c’est l’heure du petit-déjeuner, il est 9h30 !).
Direction la prochaine montée: objectif Aygues Cluses!
Luc décide de faire une partie avec moi. C’est sympa, je suis content. Nous montons ensemble, il m’encourage, puis redescend après 3 km. La moitié est faite. Je continue et rencontre un couple qui monte voir les coureurs à Aygues Cluses. Nous discutons des Pyrénées, du Nord, de la course… Les 3 derniers kilomètres passent vite, et le paysage est à couper le souffle. Nous avons même vu trois rapaces en plein vol!
J’arrive au ravitaillement avec 4h d’avance sur la BH et j’ai une envie folle de Coca. Mais il n’y a que de l’eau ! Déçu, mais je continue.
"Dans la précipitation, j’oublie de recharger ma poche d’eau… Je n’ai qu’un litre pour 3h de course à venir"
Montée raide et longue. Je fais une ou deux pauses. J'arrive au col, où on nous badge. Je demande de l’eau, mais personne n’en a. Une dame me conseille de prendre de l’eau dans les lacs en bas. Je décide de rationner pour éviter tout problème. En me retournant, je découvre des lacs magnifiques, le paysage est à couper le souffle. J’entame la descente, suivie d'une légère remontée jusqu'au restaurant du Merlans. La descente est longue, nous longeons une rivière, tout est sec. Les coureurs du relais et du 160 km me dépassent, soulevant la poussière sur leur passage.
Nous arrivons à la dernière remontée vers le restaurant, avec une vue splendide sur un lac. Raph me rejoint. Mau et les parents de Raph n’ont pas pu monter à cause du risque d’orage et de la fermeture des œufs.
Je fais une pause de 10 minutes pour me ravitailler, puis Raph repart avec moi. Direction l’arrivée !
Une dernière portion en descente où j’ai prévu 2h15. Raph me pousse à courir, même si je me dis que j’ai le temps, puisque je dois arriver avant minuit.
Je trottine, et finalement, ça fait du bien. Les jambes tournent bien. Je remonte quelques coureurs du 120 km. Nous faisons une petite pause à mi-descente pour boire à une fontaine et nous rafraîchir.
Arrivée imminente !
Mau et Luc nous attendent à 2 km de l’arrivée. Nous finissons la course à quatre. Les dernières portions sont très roulantes et il y a énormément de monde. Je suis super content à l’idée de franchir bientôt la ligne d’arrivée.
Mau m’avait dit en rigolant que je n’avais pas le droit de pleurer. Après tout, ce n’est qu’une étape vers un plus gros objectif. Nous franchissons la ligne tous les quatre ensembles : Mau, Raph, Luc et moi.
Tellement heureux d’avoir terminé. Pas de larmes, mais une grande émotion. Nous retrouvons Patricia, Oliv et sa famille. Je récupère ma médaille et mon sweat de Finisher du TDC 2024 !
Cette course restera gravée en moi!
La douleur est temporaire, mais les souvenirs sont éternels. Un grand merci à tous ceux qui m’ont soutenu sur place : Mau, Raph, ses parents, et aux bénévoles qui avaient toujours le sourire. Merci aussi au soutien à distance de mes parents, ma sœur, Lauranne, la team Conviviatrail, et tous les autres qui m’ont suivi.
À bientôt pour de nouvelles aventures et merci d'avoir lu mon récit du tour des Cirques 2024!
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